vendredi 9 février 2007

Mercredi 25 octobre 2006 21h

Voilà: je travaille cette année dans un collège de Nancy; j’ai 2 classes: une cinquième et une quatrième; j’enseigne le français .Ce collège privé accueille des élèves très divers: certains sont dirigés vers cet établissement par le conseil général au titre de l’aide à l’enfance (le conseil général est propriétaire des murs- je ne suis pas certaine de ces informations qui m’ont été dites « en salle des profs », vite fait, par hasard, devant un café). D’autres élèves (je ne sais s’il y a un lien avec le département cette fois) viennent d’un centre culturel étranger des environs de Nancy; ce sont des garçons, ils sont solidaires et font bloc dans la cour. D’autres élèves arrivent ici après avoir vécu un renvoi ailleurs. D’autres enfin sont là par choix des parents.
J’ai, avec les 4°, des difficultés de discipline, comme on dit…
Ils sont 25, j’ai du mal à obtenir d’eux une écoute réelle; ils essaient sans cesse de démarrer des chahuts. J’ai essayé différentes stratégies, la douceur, la fermeté, les sanctions, la lecture, les contrôles ….rien ne marche vraiment. Une heure par semaine, je les ai en demi-groupe et ça se passe alors très bien, nous essayons d’écrire un journal et pouvons aller travailler sur des ordinateurs.
Le plus dur pour moi reste à dire: leur prof principale « n’a pas de problème » avec eux; cette prof est sympa et a bien voulu m’aider. Comment? Je ne sais pas quoi écrire ici. Pendant des semaines j’ai travaillé chez moi la façon dont j’allais les aborder: remaniement du plan de la classe, échelle très stricte dans les sanctions, élaboration d’un cours hyper structuré avec alternance de travaux oraux, écrits, découverte des textes, synthèse des notions abordées , etc.
La culpabilité -encore présente aujourd‘hui- puis la honte de ne pas réussir ont frappé à ma porte; la fatigue aidant, je les ai laissé entrer…
Vendredi dernier, j’ai déjeuné avec cette prof « qui n’a pas de problème »; nous avons discuté et elle m’a affirmé à la fin du repas que l’école cassait les élèves, c’était le mot employé, répété et je fus entièrement d’accord avec elle. Je me souviens de son regard à ce moment-là et de ma stupéfaction d’entendre cette femme reconnaître qu’on cassait les élèves.
Je me suis alors demandé si mon désarroi face à ma classe de 4° ne venait pas de mon désir de ne pas « casser des élèves » et de ma difficulté à trouver des solutions qui ne soient ni l’évaluation à outrance, ni les sanctions à outrance.
Quelques jours plus tard, après un cours difficile pendant lequel deux filles m’avaient « bien cherchée » et au terme duquel je les avais collées, j’ai pu établir avec elles deux un dialogue vrai, que nous n’avions pas eu encore. De la haine, nous étions passées à l’apaisement- non sans faire un bref passage par la fusion maternelle!
Mais alors…comment enseigner quelque chose à un groupe dont chaque individu, chaque être a envie, besoin de dire l’urgence de sa vie qui le fait souffrir?
Comment concilier l’inconciliable: un programme, des classes calmes et des jeunes débordés?

Jeudi 26 octobre 11h
J’ai retrouvé une technique proposée par la prof principale des 4°: demander aux élèves, quand l’atmosphère n’est plus au travail, de mettre leur tête dans leur bras croisés sur la table .Je ne sais pas si elle l’applique à cette classe.
Je veux encore ajouter que, dans les moments où je me sens dépassée par les élèves, dans le dernier quart d’heure de cours quand je n’ai pas voulu punir quelques débordements, je peux perdre mes moyens, bafouiller, ne plus savoir quoi faire, empêchée de penser sereinement. Dans ces moments, je peux commettre des erreurs didactiques, faire les mauvais choix. Face à ce qui m’apparaît comme un groupe compact hostile,je deviens aveugle et perds pied.
Enfin, le tableau n’est pas tout noir: de nombreuses heures de cours me donnent envie de continuer.

Aucun commentaire: