jeudi 8 février 2007

Stéphane Germain

Stéphane

Quelle belle écriture à laquelle nous avons assisté ce soir au CIEN, de la part de Marie-Odile. C’est d’abord un silence qui précède les premiers mots hésitants à la recherche d’un fil d’Ariane. On pressent dans les temps d’arrêt qu’il advient quelque chose, doucement, cheminant entre les aspérités sinueuses des signifiants.
Des inspirations fortes et puis la reprise de la succession des bouts de mots, des bouts de phrases. Une écoute, prise dans le réel de ce qui s’énonce, se fait plus attentive pour chacun. S’entendent quelques déglutitions discrètes masquant mal le surgissement d’une émotion. Ronronnement intempestif du néon.
Marie-odile poursuit le déroulé de son théâtre. Une scène sur laquelle prennent place des corps vivants où des sujets demandent, d’autres se taisent, certains partent très tôt, celui-là figé dans sa lutte, celle-là sage en « bon soldat ». Une taule froissée fait des précédents. Une absence soudaine rattrape ceux qui répondent présents.
Des mains à peine sorties de la lumière indienne, et déjà convoquées à l’injonction d’écrire. Voilà le scénario : l’écriture. Marie-Odile parle d’une écriture, la sienne. La langue serait-elle trop étriquée pour dire ? La formation surgit entre sens et non sens. La terre, le corps et la souffrance d’un autre qui appelle, s’insinuent dans ce qui ne peut s’écrire mais qui pourtant se transmet sous les oripeaux d’un enseignement ou d’un témoignage.
L’urgence technocratique impose l’oubli de la littérature, serait-ce là le vide vertigineux de la communication, là où ça ne parle plus ? Ravage des corps. Seulement, il suffit qu’un tout petit os craque, et c’est toute la communication qui s’effondre, alors la parole reprend son cours à travers l’élève en proie au réel des membres.
La mort nécessite de s’écrire même si « quelque chose du temps contemporain pousse à la réduction ». Un réel échappera toujours au réduit laissant libre les interstices qui donnent corps au texte.
Des mains qui bougent, tremblent, s’entrouvrent, se referment accompagnant le rythme des mots et les élans de la précipitation. On retient son souffle pour ne pas interrompre ce qui se déplie à nos oreilles et soudain ce dire : « Je sais que je ne suis plus où j’étais la semaine dernière ». Enoncé teinté d’énigmatique qui nous souffle que des mots transforment le corps, surtout ceux-ci que l’on efface à la hâte ; la rature crée le palimpseste.

Pas à pas le nœud se resserre. On entend un impossible de l’écrit : « une écriture comme ça, je ne pourrais jamais l’avoir ». De quoi s’agit-il ? D’assemblage de lettres qui fait autorité par sa forme et sa ré-forme, alors que de l’Autre côté, ce qui pousse, c’est le dé-forme de ces lettres rivages d’un corps en perpétuel mouvement.
Après tout, faut-il écrire pour être compris ? Les poètes ne se posent pas la question ; leur création existe lorsque d’autres y entendent quelque chose, à défaut de comprendre. Il y a des vides qui laissent perplexe, puis d’autres vides qui éclairent. Ce sont ceux-là qui s’imposent toujours comme nécessité à évider encore et en corps.
Ce que j’ai entendu ce soir là, c’est un moment de création, avec tout ce qu’il engendre de souffrance. Elaboration alchimique que l’on ne rencontre seulement qu’en « laboratoire ».
Serait-ce indécent d’en remercier Marie-Odile ? Je me pose la question…

Stéphane Germain
Le 15/03/06

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