vendredi 9 février 2007

Stéphane

Pas facile de saisir la violence et son expression à travers les comportements sociaux. Gaëtan tente à sa manière de nommer les actes d’adolescents avec le recours de propositions théoriques de quelques auteurs. Marie-Odile évoque le risque de l’enfermement des concepts, Hèléne la violence d’une approche phénoménologique généralisable. A la lecture du texte de Gaëtan, je me demande ce que ces jeunes pourraient dire de leurs propres actes, qu’ils ne considèrent d’ailleurs pas toujours comme violents. Peuvent ils en dire quelque chose ?

Je suis souvent surpris, à l’écoute de discours de personnes ayant commis des actes de violence, par l’inadéquation entre le discours « explicatif » socio-psycho-statistico-politico… et ce que les concernés en disent. Une théorie peut prendre appui sur des discours et s’argumenter à partir de la parole des sujets-objets de recherche. C’est souvent le « preuve à l’appui » ou le « prouvé scientifiquement » ou « ce cas démontre bien que » qui vient au secours de la théorisation. Mais l’inverse ne tient pas. Je ne dis pas que la théorisation est inutile, non, elle a sa nécessité lorsqu’il s’agit de cerner un « phénomène », elle peut servir de point de repère ou de balisage d’un terrain d’étude, mais il me semble périlleux d’en faire une boussole si l’on considère que tout acte est l’auteur d’un sujet.

Alors, qu’est ce qu’en disent ces sujets (bien que le pluriel soit risqué) lorsqu’ils parlent ? Ils disent souvent une même chose : « je ne sais pas pourquoi je fais cela ou j’agis comme ça ». Ce n’est certes pas encourageant dans une perspective explicative, mais ça ouvre l’horizon sur la possibilité du sujet, c'est-à-dire sur une tentative de sa part d’en appréhender quelque chose qui ne soit que le produit (et rien que ça) de sa propre cogitation. Ce « produit » vient très souvent faire déconsister la construction théorique, certainement parce que ces deux perspectives bien distinctes (celle du sujet dans un cas et celle de l’objet dans l’autre) n’ont pas la même adresse.

La théorie participe de la croyance, ce qui ne l’invalide pas pour autant. Elle permet aux croyants de même appartenance théorique d’échanger et de se comprendre, mais surtout de nommer ce réel insupportable et de l’enserrer entre ses mailles. Le risque, si on en reste là, est d’en faire un phénomène étranger à soi, surtout lorsque les termes utilisés pour la nommer sont véhiculés et labellisés au sein d’une communauté d’observateurs tenus ou qui se tiennent à distance des « petits sauvageons ». Le risque est d’autant plus grand que certains s’ancrent aujourd’hui dans la conviction (encore une croyance) que ces petits « agités » deviendront les futurs « psychopathes » de demain. Ils peuvent effectivement le devenir s’ils sont traités comme des produits issus d’un système (éducatif, familial, social, groupal). Mais ils peuvent également venir démentir le raisonnement « scientifique » s’ils sont encouragés à parler.

J’en reste néanmoins sur une interrogation : s’agit-il, pour ces situations de violence de jeunes, de sujets déconnectés d’une parole qui leur ferait avoir recours à un agir ? Ou s’agit-il d’une incapacité à tendre l’oreille face à l’angoisse que des actes nous renvoient et qui appelle plutôt au repli et à la protection dont les apparats ne manquent pas : règlements, chartes, conventions, contrats, contraintes ?

Stéphane, le 06/10/05.

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