dimanche 30 septembre 2007

Brèves de lycée

12h30, des garçons arrivent au compte-goutte au gymnase. Ils se mettent en tenue de sport, là, au bord du terrain, sans passer par le vestiaire. Ca va plus vite. Chahyd arrive et s'installe sur la haute pile de tapis, dans le renfoncement. Allongé sur le ventre, le menton posé sur ses deux poings serrés, un peu dans la pénombre, il regarde les copains qui s'organisent en équipes et commencent à taper le ballon.
« Alors Chahyd, tu ne joues pas aujourd'hui ? » Ca ne va pas fort, me dit-il. Les ennuis recommencent. Il a eu des mots avec Madame C., une de ses profs. Il va déjà avoir un rapport. Il me raconte les motifs, c'est un peu confus. Je me souviens de quelques unes de ses paroles.
« De toutes façons, on peut rien faire, moi je suis déjà catalogué. On te voit comme tu étais y'a trois ans, comme t'étais y'a deux ans. On te donne pas de nouvelles chances... La prof elle a dit, la classe, ça pourrait aller s'il n'y avait pas deux ou trois cons. C'est nous les cons » « Madame, vous dites qu'on peut parler aux profs, mais c'est pas vrai. Ils s'en vont quand on veut leur causer »
Je dis que d'aller parler seul avec un prof, c'est différent que d'y aller à plusieurs élèves. Je dis aussi à Chahyd que décidément, il y a quelque chose qui revient souvent dans ses histoires: A l'entendre, il est toujours « la victime des méchants profs », mais comment leur parle-t-il donc pour que ça se passe comme ça ?
Il enchaîne. « De toutes façons j'en ai vraiment marre de l'école. Là je redouble mon BEP (il a deux ans de retard) ça me gonfle, j'sais pas moi, mais peut-être que je suis pas fait pour les études? »
Je lui demande: « Et si tu n'étais pas au lycée, tu ferais quoi? »
Il dit d'un ton animé : « Moi, madame? Mais je serais prêt à prendre n'importe quel boulot! Vraiment n'importe lequel! Pourvu que j'ai une paye à la fin du mois. Même ramasser les poubelles, s'il fallait. J'en ai marre du lycée. De toutes façons, je le sais que je serai jamais comptable»
« Et pourquoi donc ? »
« Ouais, c'est mon père qui veut. Mais si je lui dis que j'arrête, il me tue »
« Mais tu as essayé de lui en parler au moins à ton père de ça? »
Sort alors un petit « ouais »

Hier, il me semble avoir entendu un élève dire que Chahyd avait donné (allait donner?) sa démission. Il faudra que je me renseigne pour savoir ce qu'il en est.

Manola ne fais plus rien en EPS. Elle arrive en cours et dis qu'elle a mal au ventre et au dos. « Trop mal » dit-elle. Elle redouble sa terminale. Je l'avais déjà en cours l'an dernier. Une fille sportive, très volubile, au phrasé méditerranéen, une voix forte, parfois criarde, prompte à commenter tous les évènements. Des paroles qui fusent du tac au tac. Look recherché de fille, avec les moyens du bord. Des baskets couleur or, des grandes créoles, des ceintures kitsch. On achète ce qu'on peut avec trois sous.
Ce vendredi, nous avons un peu de temps avant le début du cours, il est 8 h 20, à la pépinière. Manola n'a toujours pas ses affaires de sport, elle est assise au bas des escaliers, jambes pliées, en boule.
« Alors, Manola, qu'est ce qui ne va pas ? »
« J'ai encore mal au ventre et au dos, la dernière fois le médecin a dit que j'avais rien mais je vais retourner le voir et je vous ramène une dispense bientôt, promis. »
« Ca vient de quoi, tu crois ? »
Petite mine défaite « Ca va pas à la maison, et puis j'ai toujours pas trouvé de stage (on est vendredi, leur stage doit commencer lundi), de toutes façons j'en ai marre, j'ai envie de tout arrêter là. T'façon j'vais plus en cours ces derniers temps. J'pars le matin avec mon sac et j'traîne»
« Ca va pas à la maison. C'est avec les parents? »
« Non c'est avec mes frères. J'ai un petit copain et ils veulent pas »
« Ah bon, ça fait longtemps? »
« Ca fait deux mois, mais c'est ma petite soeur, elle m'a vu avec lui, et elle a tout raconté ! et maintenant ils sont tous sur moi là, j'en ai marre »
Je n'ai pas l'habitude de voir le visage de Manola si triste.
« Ben, ils te voient peut-être encore comme la petite Manola, il faut le temps qu'ils s'habituent au fait que tu es une jeune fille, ils vont s'y faire »
« Non, eux ils pensent que si t'as un copain, t'es une... enfin, je peux pas vous le dire le mot »
« Ben vas-y, exprime toi, pas de gêne »
« Ben... une pute. Alors qu'on fait rien de mal, on se voit juste. »
Je dis: « On dirait que t'en as plein le dos »
Elle sourit. Je lui propose d'appeler mon ancien club de sport à la fin du cours pour voir si elle peut y faire son stage. Je lui dis de réfléchir à cette proposition pendant l'heure. Fin du cours, Manola est d'accord, coup de fil au club, non, ce ne sera pas possible. Manola est déçue. Je prends son numéro de téléphone pour la prévenir si une autre personne du club pouvait l'accueillir.
10 h: Je reviens au lycée et parle du cas de Manola à la prof principale, elle n'était pas au courant. A midi, à la cantine, la chef de travaux tertiaire me dit qu'elle a vu Manola et lui a trouvé un stage, à Pompey. « Avec une dame très gentille »
Petit texto par téléphone à Manola: « Apparemment c'est bon pour ton stage? »
Texto retour: « Oui, mais Pompey, c'est loin pour moi je trouve. Si ça ne me plaît pas je changerai sûrement. Merci quand même » me répond-elle.

Tomblaine – Pompey, ça peut faire loin, quand on a des frères sur le dos. A moins qu'elle en profite pour prendre un peu le large ? Il faudra que je demande de ses nouvelles.

Au gymnase, vendredi entre midi et deux. Une bande de 4 garçons footballeurs papillonne sur les trois activités sans se fixer sur aucune. Le vendredi, c'est volley, basket, danse. Pas foot. L'un d'eux, je ne le connais pas encore, tape comme un sourd dans le ballon de volley, faisant mine de rentrer dans la partie en cours, puis il lâche les quatre jeunes filles et s'en va en marchant nonchalamment. Il est partout et nulle part, désorganisant ce qui se met en place. Avec mon collègue nous décidons entre nous qu'à l'avenir, les « footballeurs » viendront au gymnase uniquement sur leurs créneaux, les mardis et jeudis. Je rassemble les quatre jeunes et leur dit qu'il doivent se décider. Ou bien ils rentrent dans une activité et s'y fixent, permettant aux autres de continuer à jouer, ou bien ils se mettent sur le côté. Mais ils doivent arrêter leur petit manège.
Ca ne s'arrêtera pas, ils tournicoteront ainsi jusqu'à la fin. Je parlerai quand même à l'électron libre, il semble assez particulier, comme insaisissable.
« Dis donc, toi, c'est quand même pas banal, je te parle et tu fais comme si tu ne m'entendais pas, pourtant tu a compris ce que je te demandais »
« Vous savez, Madame, me dit-il tout en continuant de déambuler, c'est comme ça depuis toujours avec moi, c'était déjà comme ça quand j'étais en primaire » Il a un sourire un peu inexpressif, sourire qui n'a pas quitté son visage depuis qu'il est rentré dans le gymnase.
Il est l'heure, la sonnerie va retentir bientôt, tout ce petit monde se disperse. Je me demande si cet élève dit vrai. Est-ce que ça sera toujours comme ça avec lui ?
Vendredi 13h30. Je rentre chez moi, m'allonge et dors pendant deux heures.
Yasmine Yahyaoui, le 29 septembre 07

dimanche 16 septembre 2007

LES NOUVELLES CLINIQUES

dialogue issu de l'émission de France culture présentée par Jacques Munier
LE PASSAGE A L ACTE DES ADOLESCENTS

Philippe. LACADEE

Jacques Munier :
On a étudié les pratiques à risques des jeunes sous l’angle sociologique (D Le Breton), mais beaucoup moins la dialectique subtile et parfois destructrice de la construction de la personnalité, moment par nature de grande fragilité avec l’auto affirmation de soi surtout dans un milieu social hostile. Les explosions de violence urbaines régulières de puis quelques années et le taux élevé incompressible du suicide chez les jeunes devraient pourtant nous inciter à porter le regard sur ces réalités moins voyantes et plus intimes et pourtant décisives de la formation du sujet.

P. L : Ca nous permet de parler de ce qui a été un moment difficile et qui caractérise le moment toujours difficile pour l’adolescent, le moment où comme le disait Freud, il doit se détacher de l’autorité parentale, le moment à la fois nécessaire et douloureux. Nous préférons parler plutôt que de crise de l’adolescence, de la plus délicate des transitions en référence au poète écrivain Victor Hugo, qui permettait de saisir combien ce moment que Freud avait appelé métamorphose de la puberté, comment ce moment de transition effectivement ne va pas sans prises de risques. Freud disait que serait une vie qui ne comporterait pas de prise de risque ?

L’adolescent s’appuie sans le savoir sur ce formidable énoncé de Rimbaud qui au nom de la vraie vie n’hésita pas lui-même à prendre des risques. Conduites à risques dites-vous, ça a beaucoup intéressé David Le Breton qui le présentifie sous le nom je ne dis pas d’une nouvelle pathologie, mais d’une nouvelle approche de ce qui peut être difficile dans cette transition. Alors dans ces conduites à risques, on peut loger beaucoup de choses que nous appelons en clinique des nouveaux symptômes qui ont à voir avec des pratiques de rupture, Comme si ces conduites à risques -dans une certaine adresse à l’Autre, mais quel Autre ? c’est ce qu’il faudra déchiffrer-, pouvaient démontrer comment on pourra se passer de l’Autre et voir comment on peut même refuser l’Autre sur lequel l’enfant avait pris appui, pour effectivement mettre sa vie en jeu, sa vraie vie, sa vie authentique à laquelle tiennent ses jeunes de banlieue pour avoir accès à quelque chose d’autre, Autre, c’est un mystère que l’on essaiera d ‘éclaircir.

J.M. : On va essayer, ces conduites à risques on peut en dresser la liste, la toxicomanie, l’alcoolisme, la vitesse sur la route, les tentatives de suicide, les troubles alimentaires, les fugues. Ces explosions de violence en banlieue qui deviennent endémique aussi.

P. Lacadée : sur ces explosions de violence, il faut peut-être avancer en prenant appui sur la clinique analytique qui permet de pouvoir déchiffrer ces provocations langagières ou ces comportements de violence, qui sont inhérentes à ce moment de transition de l’adolescence. Pourquoi un moment donné, l’adolescent ne peut pas faire autrement que d’être pris dans cette attirance qu’en psychanalyse nous appelons l’acte. Faisons référence à une lettre adressée à Fliess, dans la Naissance de la psychanalyse où il écrivait : « tout excédent de sensualité empêche la traduction en image verbale », en fait tout excédent de sensations, de tensions empêche la traduction, avec Lacan on pourrait dire en mots. Par moment , certains adolescents qui sont confrontés à quelque chose de nouveau qui surgit en eux, qui peut être une sensation, une tension et s’ils n’ont pas les mots pour dire ça, peut arriver la provocation langagière. Provocation en latin provocare, c’est appeler vers, vers le dehors. La question est quelle modalité de réponse allons nous offrir à ces jeunes qui utilisent cette scène pour pouvoir dire quelque chose ?

P.M. : vous venez de citer Freud. Je vous fais écouter la réponse au plaidoyer d’un pédagogue. « Si les suicides de jeunesse ne concernent pas seulement les lycéens, mais les apprentis entre autres, cette circonstance en soi n’innocente pas le lycée, peut-être exige t’elle l’interprétation selon laquelle le lycée sert à ses ressortissants de substituts au traumatisme que d’autres adolescents rencontrent dans d’autres conditions de vie. Mais le lycée doit faire plus que de ne pas pousser les jeunes gens au suicide, il doit leur procurer l’envie de vivre, soutien et point d’appui à un moment de leur vie où ils sont contraints par les conditions de leur développement de distendre leur relation à la maison parentale et à leur famille. Il est incontestable qu’il ne le fait pas et qu’en bien des points il reste en deçà de sa tâche : offrir un substitut de la famille, et éveiller l’intérêt pour la vie extérieure dans le monde. Ce n’est pas une critique du lycée dans son organisation actuelle. Me sera-t-il permis de dégager un facteur, l’école ne doit jamais oublier qu’elle a affaire à des individus immatures auxquels ne peut être dénié le droit de s’attarder dans certains stades, même fâcheux de développement, elle ne doit pas réclamer pour son compte l’inexorabilité de la vie, elle ne doit pas vouloir être plus qu’un jeu de vie.

P. Lacadée : Je vous remercie pour ce texte. L’école ne doit pas vouloir être plus qu’un jeu de vie, ça ne veut pas dire qu’il faille jouer à l’école, que l’apprentissage est un jeu. Il s’agit que l’école n’oublie pas qu’elle a à introduire du jeu dans la vie de l’esprit du sujet, qu’elle puisse dans ce temps de détachement de ce à quoi il croyait, de ce sur quoi il avait pris appui pour se construire une identité, soit sa famille, quand il en a une, la façon dont les parents l’ont accueilli, les discours qui lui ont permis d’attraper sa dimension subjective. Tâche nécessaire mais douloureuse, dit Freud : il doit se détacher de cela, à ce moment là les enseignants offrent un substitut aux parents, et les ados calculent sur les enseignants quelque chose de différent, un point d’où ils se voient différents de ce qu’ils étaient comme enfant. L’école, c’est ça qu’elle doit introduire, effectivement Freud, en grand clinicien, rappelle que le sujet a le droit, (son terme, est d’époque, stade même fâcheux de développement). Freud dit qu’il ne faut pas oublier qu’il y a au cœur de l’être humain, une zone que Lacan avait appelé la jouissance, en lisant Freud, qui fait qu’au fond, des fois le sujet ne veut pas forcément son propre bien, il peut aussi se nuire à lui-même. Ce qui est vraiment l’illustration de la clinique de l’acte.

La clinique de l’acte suicidaire, c’est au fond le sujet qui illustre qu’il ne veut pas forcément son propre bien et qu’il y aurait donc une tension pour tout sujet, entre parier pour l’idéal et cette zone obscure, cette tâche obscure qui est au cœur de l’être humain et qui est d’une étonnante actualité au moment de l’adolescence parce que cette tâche correspond à quelque chose de nouveau qui surgit à l’adolescence, dans cette scène, que rappelait Carole Dewanbrochie, l’adolescent est travaillé par ses pulsions sexuelles dont il peut avoir honte et ça peut faire tâche dans le tableau et il peut au nom de ça s’attarder dans ce stade fâcheux du développement.

Vous parliez de mon implication dans le système scolaire, à BOBIGNY, c’est une implication interdisciplinaire, puisque avec Jacques-Alain Miller et Judith Miller a été créé le Centre Interdisciplinaire sur l’enfant : le CIEN qui permet que nous puissions travailler avec des partenaires d’autres disciplines par rapport à des impasses. Comme le disait Hugo Fredda hier, ça n’est plus l’époque du malaise dans la civilisations, nous sommes plutôt dans une époque où il y a des impasses, ce qui fait que certains partenaires d’autres disciplines sont confrontés à des points d’impasse par rapport à certains comportements d’adolescents qui peuvent utiliser des provocations langagières, des gestes déplacés.

La clinique de l’acte, tel que Lacan nous a permis de déchiffrer ce qui est en jeu à ce moment là, notamment dans son séminaire auquel vous faisiez référence avec Marie-Hélène Brousse e t Carole, l’angoisse. Il nous permet de faire la différenciation entre l’acting-out et le passage à l’acte. Il se sert de cela pour lire le cas d’une jeune patiente de Freud adolescente homosexuelle, qui au fond s’affichait dans les rues de Vienne avec une dame de mauvaise réputation, comme disait Freud. Ce comportement de provocation pour alerter son père et toute cette scène organisée, Lacan le lit comme un acting-out tandis que le moment où elle croise le regard du père qui est un regard de désapprobation, la jeune fille passe à l’acte et se suicide. Il fait la différence entre le passage à l’acte qui est une sortie de la scène du monde et l’acting-out qui est quelque chose qui s’organise et qui demande qu’on puisse en dire quelque chose à l’adolescent. Dans les échanges interdisciplinaires que nous avons au Collège Pierrre Sémard à Bobigny, où nous travaillons avec les enseignants, nous les aidons en utilisant les concepts issus de la théorie analytique à faire la différenciation entre les différentes conduites de provocation d’un enfant, pour nous d’ailleurs ça n’est pas forcément le trouble du comportement qui serait produit, c’est plutôt à prendre comme une pantomime, comme si c’était un texte qu’il agissait sans forcément savoir et que l’enseignant peut l’aider à déchiffrer la part de souffrance qui est incluse dans le comportement qui l’agit à son insu.

J.M. : Vous avez cité Lacan, je vous ramène à Freud et je vous fais entendre ces propos récents de Danielle Rapopport, en mai 2006, pour le 150e anniversaire de la naissance de Freud: « Freud est présent quotidiennement, par exemple, nous accueillons un certain nombre d’adolescentes pour des tentatives de suicide, d’une façon très fréquente, la problématique sous-jacente à la tentative de suicide est une tentative de séparation mère/fille, avec des relations d’une très grande proximité, et l’adolescente tente à l’occasion d’un conflit de se séparer de sa mère. La question qui va se poser sera de réintroduire une triangulation et donc la question oedipienne est souvent là présente dans notre esprit et nous sommes souvent amené à convoquer si ce n’est le père réel, la figure paternelle qui va aider dans ce processus de séparation. Et là, c ‘est tout Freud, le complexe d’Œdipe, les relations mères-filles, père-mère-filles, père-fils, même s’il y a moins de garçons qui font des tentatives de suicide. »

J.M. : elle insiste sur l’Œdipe, on va proposer une traduction lacanienne : le Nom du père et puis tout ces avatars, le père du Nom etc…. On vit dans une époque dans laquelle on constate un déclin de la figure de l’autorité paternelle, cela intervient dans la vie psychique des jeunes.

P. Lacadée : Danielle Rappopport utilise un terme très important, celui de séparation. La difficulté de séparation entre mère et fille. On pourrait prendre la pente de penser qu’il pourrait y avoir un suicide de séparation ou pour séparation. Mais se séparer de quoi, de quoi s’agit-il de se séparer pour la jeune fille qui passe à l’acte, la tentative de suicide est toujours à prendre au sérieux, s’agit-il de se séparer de la pensée qu’elle a de sa mère, pour apparaître pour elle-même différente, et donc de trouver un autre mot lui permettant tout d’un coup de se voir différente, ce fameux « point d’où » que Lacan développait très bien dans son Séminaire des 4 concepts fondamentaux, important au moment du déclin de l’Œdipe, l’adolescent doit prendre appui sur une fonction du père, qui est une fonction de l’idéal du moi, à partir de ce point-là l’adolescent ou l’adolescente utilisait ce point d’où il se voyait aimable voire digne d’être aimé. Donc un point utilisé à partir de la fonction de l’idéal du moi, ça fait référence au 3e temps de l’Œdipe, c’est pas forcément le père qui dit non, vous parliez du père du Nom, on pourrait jouer, c’est aussi le père qui dit non. Il y a aussi, JA Miller avait fait une bonne lecture du Séminaire des Formations de l’Inconscient comme il le fait souvent d’ailleurs, il montrait l’importance du Père qui dit Oui au nouveau qui surgit, que l’adolescent porte en lui. Rimbaud appelait cela nos « souffrances modernes ». L’adolescent est toujours moderne par rapport aux pulsions qui le travaillent et qui se réactualisent dans les métamorphoses de la puberté. Quelque chose de nouveau surgit. Alors que ce qui surgit, la mère ne veut peut être pas forcément le loger, elle ne peut pas l’accepter, elle voudrait que sa fille soit toujours sa petite fille, or l’adolescente est porteuse en elle de quelque chose de nouveau qu’elle veut faire authentifier par l’Autre, que l’Autre dise oui à ce nouveau. Il y a un très bel article d’Hannah Arendt, Crise de l’éducation en 1954 ou elle disait très bien : « les adultes ne sont pas responsables du monde qu’ils offrent à l’enfant dans le sens où ils ne savent pas accepter l’élément de nouveauté que l’enfant porte en lui ». L’enfant porte en lui un élément de nouveauté quand il naît, il surgit comme quelque chose de nouveau qui n’existait pas avant lui, mais il porte aussi un autre élément de nouveauté, ce qui surgit pour lui au moment de l’adolescence, et c’est cela qui est très compliqué pour l’adolescent. C’est pour cela que la très belle phrase de Victor Hugo, éclaire la plus délicate des transitions : « le commencement d’une femme dans la fin d’un enfant ».

J.M. : dans votre livre, qui s’intitule l’éveil et l’exil, vous posez des questions, pourquoi se mettre en danger, vous y avez en partie répondu, puisque vous évoquer ces transformations constantes que l’enfant est à lui-même, alors ce corps, le corps qui pousse, qui change est-il le lieu de l’identité ?

P. Lacadée : Il y a quelque chose qui surgit de particulier dans cette délicate transition, c’est la dimension du corps, la psychanalyse on dit c’est la parole, oui mais c’est une parole en tant qu’elle est supportée par un corps et comme le dit Lacan : « un corps, ça se jouit ». Et dans cette transition, quelque chose surgit dans ce lieu du corps, un élément de nouveauté, c’est très bien décrit par Robert Musil en 1906, qui nous donne une véritable leçon clinique dans le désarroi de l’élève Törless, comment l’élément sexuel rentre dans les pensées de l’élève Törless, comment tout d’un coup, en écoutant un camarade parler de son père, du coup son père lui apparaît bizarre aussi, mais surtout c’est les mouvements de mains de son camarade et il en éprouve un frisson de dégoût, dans son corps, ça démontre bien comment le corps est le lieu d’un éprouvé de jouissance, ce frisson de dégoût qui lui arrive là comme un événement dans le corps, il le dit très bien, il ne peut pas le traduire en mots, et alors lui arrive la solution de l’insulte ou du blasphème. Musil décrit ce désarroi, désaroyer, ça veut dire sans Autre, c’est le moment où l’adolescent est en difficulté pour traduire en mots son excédent de sensualité et à ce moment là, c’et pour cela que la psychanalyse est une chance pour les adolescents, on dit qu’ils ne parlent pas, c’est pas vrai, il suffit de savoir un peu les approcher, les apprivoiser, mais ils ont beaucoup de choses à dire, à condition qu’on sache entendre ce qui s’agite en eux et ils sont très sensibles à cela.

J.M. : De la psychanalyse comme l’une des voix possibles pour approcher l’art de l’insulte chez les adolescents comme une parole

Voici vagabond, le texte des illuminations d’Arthur Rimbaud
:
Pitoyable frère, que d’atroces veillées je lui dû
Je ne me saisissais pas de cette entreprise
Je m’étais joué de son infirmité,
Par ma faute, nous retournerions en esclavage, en exil,
Il me supposait un guignon et une innocence très bizarre
Et il ajoutait des raisons inquiétantes, je répondais en ricanant à ce satanique docteur et finissait par gagner la fenêtre, je créais par delà la campagne traversée par des bandes de musique rare les fantômes du futur luxe nocturne
Après cette distraction vaguement hygiénique, je m’étendais sur une paillasse et presque chaque nuit aussitôt endormi, mon pauvre frère se levait, la bouche pourrie, les yeux arrachés tels qu’il se rêvait et me tirait dans la salle en hurlant son songe de chagrin idiot. J’avais en effet en toute sincérité d’esprit pris l’engagement de le rendre à son état primitif de fils du soleil et nous errions nourris du vin des cavernes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule. »

J.M. : Rimbaud, une figure symbolique de la modernité, travaillé par sa jeunesse

P. Lacadé ; absolument. Moi pressé de trouver le lieu et la formule, c’est la phrase paradigmatique de ce qui est en jeu dans ce moment de l’adolescence. Ce sujet pressé par la pulsion par ce qui gîte en lui et l’agite , pressé de trouver le lieu et la formule, le lieu où il pourra dire quelque chose pour attraper la formule de son existence. Je trouve intéressant que Rimbaud fasse référence à errer, car ces moments de fugue et d’errance au moment de l’adolescence sont importants. Lacan faisait référence dans les Noms d u-père à l’errance, il faisait remarquer qu’elle avait davantage à voir avec l’étymologie iterare, qui ne veut pas dire voyager, mais répéter, par sa fugue, le sujet répète quelque chose de sa jouissance parce qu’il n’arrive pas à trouver la formule, le mot qui l’en séparera, le mot qui lui permette de se séparer de la pensée qui lui prenait la tête, sans forcément avoir à marcher. « Je dû marcher pour distraire les pensées assemblées sur mon cerveau. ». C’est faux de dire je penses, on devrait dire : on me pense, il décrit par moment comment une pensée peut s’imposer dans la tête d’un jeune et que parfois pour s’en séparer, il peut ne pas hésiter à passer à l’acte. C’est pourquoi, il faut leur offrir des lieux de conversations où ils puissent attraper dans la conversation, une transition, -la transition est d’ailleurs une figure de rhétorique- qui permet de passer d’un mot à un autre, et quand vous passez d’un mot à un autre, l’énoncé qui vous prenait la tête permet de se séparer de la valeur de jouissance nocive qui vous assignait à résidence, vous faisait ruminer. Je voudrais terminer sur l’importance que Rimbaud accorde à la fenêtre, les ados pensent que la vraie vie est ailleurs, qu’il faut sortir et par le biais de la fenêtre, il situe comment par rapport au satanique docteur qui voulait s’occuper de sa santé (c’est sa mère, que Rimbaud appelait la bouche d’ombre qui le voulait), vous voyez alors comment c’est par la fenêtre qu’il attrapait la lumière de sa vie qui lui permettait de se projeter ailleurs, ce fameux point d’où, il se voyait ailleurs que d’être toujours pris dans la bouche d’ombre que pouvait incarner sa mère.

8 sept. 20006

Notre sujet supposé savoir - Ses incidences cliniques...

Modalités cliniques du sujet supposé savoir
Jeudi 13 septembre 2007
Invités : Hélène Bonnaud & Francesca Biagi‐Chai

Peut‐on repérer une spécificité du sujet supposé savoir dans les différentes structures cliniques ?
Si on relit les cas princeps de Freud, on ne peut manquer d’être frappé par un point commun concernant une modalité de ce sujet supposé savoir : le livre. Chez Dora, le dictionnaire du deuxième rêve contiendrait tout le savoir sur la féminité. L’homme aux rats va consulter l’auteur du livre qu’il vient de lire, Psychopathologie de la vie quotidienne, qui lui fait penser que Freud sera l’homme qui pourra résoudre ses obsessions. Quant à Schreber, il est lui‐même l’auteur d’un livre où il inscrit un savoir qui témoigne de son expérience délirante. Trois livres, trois versions du sujet supposé savoir, trois positions subjectives. Le livre qu’on rêve de lire, le livre déjà lu et le livre qu’on écrit. Un livre qui survient pendant l’analyse, un livre qui précède l’analyse, et un livre qui ne laisse pas de place à un analyste.
À partir de deux exposés consacrés à ces structures cliniques, nous essaierons de dégager la place du sujet supposé savoir et sa spécificité dans ces structures. Hélène Bonnaud nous parlera de l’hystérie à partir du cas Dora et Francesca Biagi‐Chai s’interrogera sur la mise en place du transfert dans la psychose à partir du maniement du sujet supposé savoir.
Pascal Pernot animera la soirée. Annie Dray‐Stauffer et Thierry Jacquemin seront les discutants.

Cette soirée de L’Envers de Paris aura lieu au 31, rue de Navarin 75009 Paris à 21h15
Soirée Préparatoire aux Journées de l’École organisée par L’Envers de Paris

Décomplexion, modes d'emploi

Par Pierre MARCELLE
mardi 29 mai 2007
Guy Môquet, une hypothèse
Pourquoi Guy Môquet ? Pourquoi, après les figures de la social-démocratie que furent Jean Jaurès et Léon Blum, fallait-il que le bondissant président aspirât celle du mythique «jeune résistant communiste» ? La question taraude. Telle qu'énoncée au jour de l'investiture de Sarkozy, lors de la cérémonie du bois de Boulogne, elle s'enduisait d'une nouvelle couche d'opacité. Rappelons donc aux jeunes générations que Guy Môquet ne fut pas exécuté le 16 août 1944 ­ tandis que Paris brûlait ­ avec une quarantaine de jeunes gens devant la cascade du bois où une stèle célèbre leur mémoire, mais le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, où il était incarcéré depuis un an environ. En s'engageant à 16 ans contre la défaite et la collaboration, Môquet résistait. Mais, depuis août 1939 et la signature du pacte de non-agression entre l'URSS stalinienne et l'Allemagne nazie, l'appareil de son parti ne résistait guère. Quand Guy Môquet est arrêté à Paris le 13 octobre 1940, il n'est pas «dans la ligne». Quand, un an plus tard, il est fusillé, il est un héros communiste. C'est qu'entre-temps, lançant contre l'URSS l'offensive de juin 1941, Hitler avait jeté le PCF dans la Résistance.
A cet endroit, il faut constater que Guy Môquet fait pour le pays un bel exemple, et pour le parti un martyr exemplaire. Après Guy Môquet, oubliés Pétain, Vichy et la collaboration, et oublié le pacte germano-soviétique... Ainsi s'érigea, sur son cadavre infiniment consensuel, la légende radieuse d'une résistance nationale prématurée ; ainsi s'écrivit, sous les plumes alternées de Maurice Druon et de Louis Aragon, la version officielle d'une geste héroïque dont le patriotisme constituait le plus commun dénominateur. Celle-là même que, contre toutes évidences, le gaullisme perpétua un demi-siècle durant. Celle que Jacques Chirac, en son discours du 16 juillet 1995 (dit du «Vél'd'Hiv» ­ ce qu'il fit de mieux) ébranla, en rétablissant, pour l'Histoire, la complicité de l'Etat français dans le génocide des Juifs. Celle enfin, que Nicolas Sarkozy semble réhabiliter sans vergogne, sans chagrin et sans pitié.
Car c'est bien de lui que nous revient soudain en mémoire (tiens, tiens...) le propos de campagne selon lequel «la France n'a pas inventé la solution finale» (Se souvenir ici qu'à la Libération, l'Huma titra en une : «A chacun son boche !» ).
Venant d'un homme qui évoque avec une inconscience ou une complaisance inouïe son «sang mêlé», et, à travers l'anecdotique Arno Klarsfeld, instrumentalise de même la mémoire des déportés, l'exercice passerait pour baroque, s'il n'était si douloureusement démagogique. Pour la lettre ultime de l'adolescent Guy Môquet saluant ses parents chéris à l'heure de sa mort, sa charge émotionnelle la laisse rétive à la pédagogie, et illisible au-delà de sa paraphrase. Sauf bien sûr à prétendre faire de la valeur famille, après celles du travail et de la patrie, un autre pilier d'un sarkozysme définitivement «décomplexé».

Guy Môquet revu et corrigé

La lettre qui doit être lue aux lycéens n’évoque ni l’engagement du résistant ni le contexte historique.
Par Pierre Schill, professeur d’histoire-géographie à Montpellier, Membre du comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH)
mardi 11 septembre 2007
Le 18 mars 2007 au Zénith de Paris, le candidat Sarkozy déclarait : « Je veux dire que cette lettre de Guy Môquet, elle devrait être lue à tous les lycéens de France, non comme la lettre d’un jeune communiste, mais comme celle d’un jeune Français faisant à la France et à la liberté l’offrande de sa vie, comme celle d’un fils qui regarde en face sa propre mort.» Xavier Darcos vient d’annoncer que la lettre sera lue le 22 octobre dans tous les lycées de France.
La lecture se fera au matin du 22 octobre, au moment où le Président commémorera lui-même la mort de Guy Môquet : la lecture pourra se faire en classe ou en groupe, sans qu’aucune indication de durée ne soit apportée. Elle pourra être faite par un ancien résistant, mais aussi par «toute personnalité dont l’engagement, le rayonnement ou la notoriété pourraient sensibiliser les élèves». Au pire, la lecture sera réalisée par un enseignant qui aura cours par hasard à ce moment-là. Et un haut cadre du ministère de l’Education nationale de penser que «cette lecture ne devait pas être réservée aux professeurs d’histoire-géographie», une manière d’avouer que ce n’est pas l’analyse critique et la mise en perspective qui importent ici, mais plutôt le pathos et une forme de «communion» avec le Président.
Les images seront belles au journal de 20 heures : les larmes du Président, puis celles que ne manqueront pas de filmer les caméras sur les visages des lycéens partout en France. Il s’agira grâce à cette «lettre poignante» de mettre en scène une mort édifiante pour notre jeunesse, de parler «sacrifice», «offrande», «amour», mais non de revenir sur les raisons de cette mort en disant que Guy Môquet et ses vingt-six camarades ont d’abord été désignés aux Allemands comme «communistes». Un «gros mot» que la circulaire ministérielle évite soigneusement : reprenant la présentation de la lettre proposée dans l’ouvrage de Guy Krivopissko (la Vie à en mourir. Lettres de fusillés 1941-1944), elle «l’allège» de presque toutes les indications signalant l’engagement politique du jeune Guy, de son père et des autres otages de Châteaubriant.
Le message présidentiel est clair : «J’accorde à l’amour de la patrie plus de valeur qu’au patriotisme de parti.» Les lycéens ne sauront donc pas que cette formule n’a guère de sens, car, si le patriotisme fournit un cadre moral de référence, il ne signifie pas une ligne de conduite unique : les collaborateurs ou les pétainistes l’étaient aussi par «amour de la patrie». Et ce qui explique le «patriotisme» de Guy Môquet, c’est bien son parcours antérieur à la défaite, et donc son engagement communiste, qui conduit à son «entrée en résistance».
Si Nicolas Sarkozy semble voir une incompatibilité de nature entre amour de la patrie et engagement politique, Marc Bloch, dans l’Etrange Défaite, témoignait : «Je n’ai jamais cru qu’aimer sa patrie empêchât d’aimer ses enfants ; je n’aperçois point davantage que l’internationalisme de l’esprit ou de la classe soit irréconciliable avec le culte de la patrie […].. C’est un pauvre cœur que celui auquel on interdit de renfermer plus d’une tendresse.»
Le patriotisme fut en effet le creuset où tous les engagements ont pu se fondre, des personnalités très dissemblables se rejoindre et ainsi l’unité de la Résistance s’affirmer, sans que pour cela il fut nécessaire de nier une autre « tendresse », chrétienne… ou communiste .Une négation du choix politique du jeune Guy qui apparaît jusque dans l’intitulé de la cérémonie gouvernementale, «commémoration du souvenir de Guy Môquet et de ses vingt-six compagnons fusillés», alors que le condamné écrivait dans son dernier billet à Odette Leclan : «Je vais mourir avec mes vingt-six camarades.» Pourquoi remplacer le «camarade» des communistes par le «compagnon» des gaullistes ?
La lecture de ces lettres à caractère privé n’est légitime que si l’on ne passe pas sous silence le sens de la vie et de la mort : « Pour les résistants, la mort, mêlée à l’espérance, est une attente qui […] renvoie en permanence à la conscience de leur choix.» (Pierre Laborie, notice «Mort», page 957, dans le Dictionnaire historique de la Résistance.)
Refuser de lire Guy Môquet dans le cadre imposé par les contingences politiques du Président et continuer d’analyser des lettres de résistants dans le cadre du programme d’histoire ou du concours national de la Résistance et de la déportation, c’est suivre Condorcet : «Je préfère leur histoire plutôt que leur éloge ; car on ne doit aux morts que ce qui est utile aux vivants : la vérité et la justice.»
C’est bien ce que nous devons à Guy Môquet, à la Résistance et à nos élèves.

Moi j’ai dit bizarre, bizarre, comme c’est étrange

Je vis dans un monde civilisé
Moi, j’dis dans un monde d’étrangeté,
Dans cette actualité où l’étranger n’a pas l’droit d’cité
J’trouve ça étrange, j’suis étonnée
Qu’on laisse pas d’place à la singularité.

Le monde change, j’le trouve étrange
La corruption, l’hypocrisies c’est les démons et les anges,
La misère et l’exclusion, c’est pour ceux qui dérangent
C’est bizarre, quel étrange mélange.

On s’technoïse, on s’parle plus alors on s’bat,
Y’a plus d’mots, on peut même plus dire j’sais pas,
J’ai entendu dire qu’un maire n’acceptait pas ça
Bizarre, étrange, je vous l’demande : où on va ?

Etranger, t’es hors jeu, hors communauté,
Etranger, t’es pas beau, tu pues, t’es sans papiers,
Etranger, t’es sans boulot, sans toit, t’es à éliminer,
Etrangement, sans résistance, on va de ce côté.

Etrange ce monde où s’installe, banale, la violence,
Etrange ces flics qui violent avec aisance, avec suffisance
Etrange cet ordinaire de coups et d’innocence,
Etrange ces anges noirs qui mènent parfois la danse.

Faire tomber l’attente que l’on a de l’autre, c’est l’étrangeté
L’étrangeté, c’est l’autre dans son animalité,
C’est pas moi, noyé, aveuglé par ma normalité
C’est l’étranger qu’a refusé de se normosé.

Etrangement, je découvre l’étranger
Que je suis à moi-même et que j’ai apprivoisé
Pourtant, ça me dérange, ça me démange de l’avouer,
C’est mon étrangeté que je crains, mes étranges pensées.

Quel pont vais-je pouvoir construire ?
Pour traverser la rive, pour ne pas fuir
Pour rencontrer l’altérité et peut être produire
Non plus la haine, la violence mais des mots pour le dire.

Estelle
Le 07 septembre 2007