lundi 21 janvier 2008

Les "psys" face à l'idéologie de l'expertise, par Elisabeth Roudinesco

LE MONDE 18.01.08
Depuis trois décennies, les Etats démocratiques s'appuient sur la science pour gouverner les peuples. Si cette politique a permis de prévenir, soigner et guérir avec succès les maladies organiques et si elle a magnifiquement amélioré notre vie quotidienne, elle n'a pas produit de résultats aussi pertinents dans le domaine de la souffrance psychique.

Ni l'étude des gènes ni celle de la plasticité cérébrale n'ont encore réussi à donner naissance à des traitements efficaces des maladies mentales, pas plus qu'elles n'ont permis de venir à bout de ces "maladies de l'existence" que sont névroses, dépressions, angoisses, passions, addictions, volonté de se détruire, etc. Tout au plus a-t-on mis au point des médicaments de l'esprit (ou psychotropes) qui ont contribué à faire vivre les psychotiques au sein de leur famille et surtout à apporter une tranquillité à ceux qui risquaient d'être dangereux pour eux-mêmes, pour leur entourage et pour leurs employeurs.
Mais il y a eu un prix à cette entreprise. La gestion des populations par la médecine et la biologie a favorisé l'éclosion d'une idéologie sécuritaire consistant à réduire chaque citoyen à un misérable petit tas de neurones soumis à toutes sortes d'évaluations. Au sujet politique, héritier des Lumières, s'est substitué l'homme comportemental, quantifié, chosifié, inféodé à une norme tyrannique et auquel on accorde une identité religieuse ou ethnique tout en se moquant des engagements universalistes jugés dangereux, au même titre que les idéaux de Mai 68 : vouloir changer le monde ou lutter contre les inégalités.
Ainsi s'opposent deux conceptions de l'homme. L'une, fréquente dans la philosophie anglophone, préconise que le sujet soit "naturalisé" pour rejoindre le monde de l'animalité : la fin de l'exception humaine. Et pour ce sujet-là, qui ne doit plus penser mais obéir, seuls sont retenus, s'il souffre, des traitements rapides évalués par des experts et agissant par dressage sur des comportements visibles. Foin de psychisme, le sujet naturalisé n'a droit qu'à des médicaments d'un côté et à des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) de l'autre.
L'autre conception, issue de la tradition européenne continentale - phénoménologie et psychanalyse -, considère au contraire que pour traiter la souffrance de l'âme, des approches dites "dynamiques" ou "relationnelles", plus longues, sont nécessaires pour accompagner ou non les traitements chimiques, tant l'homme se sépare de l'animal par la parole.
C'est l'adhésion des Etats à l'idéologie de l'expertise, véhiculée aujourd'hui par divers organismes de santé (Institut national de la santé et de la recherche médicale ou Inserm, agences d'évaluation, comités de dépistage, etc.), qui explique les conflits survenus depuis quelques années en France. Les médias leur ont donné le nom de "guerre des psys" : ils concernent de 5 millions à 8 millions de personnes, traitées autant par les médicaments que par des thérapies multiples.
La première crise survint en octobre 2003, lorsque Bernard Accoyer, pourtant défenseur de la psychanalyse - et actuel président de l'Assemblée nationale - réussit à faire voter, au nom de la "sécurité" des usagers, un amendement à une loi de santé publique qui réservait l'exercice de la psychothérapie à des diplômés de médecine ou de psychologie, ce qui autorisait un orthopédiste à soigner des angoisses, c'est-à-dire un boulanger à se faire serrurier. Cette disposition venait conforter une expertise de l'Inserm qui valorisait les TCC au détriment des autres approches. D'où une levée de boucliers des professionnels, férocement divisés entre eux : 13 000 psychiatres, 5 000 psychanalystes, 35 000 psychologues, 7 000 psychothérapeutes.
Après avoir mobilisé trois ministres de la santé, qui ne cessèrent de se contredire, le conflit s'acheva par une capitulation annoncée de longue date par le sénateur Jean-Pierre Sueur : l'adoption d'une loi inapplicable (9 août 2004), dont une quatrième ministre, Roselyne Bachelot, ne sait pas encore si elle va réussir à en écrire les décrets, alors même qu'elle soutient un plan de dépistage de la dépression qui risque d'augmenter la consommation de psychotropes en faisant croire à chaque sujet en état de tristesse qu'il est un malade mental.
En septembre 2005, il y eut la parution d'un Livre noir de la psychanalyse, déferlement de haine contre Freud, suivie de près par l'annonce d'une nouvelle expertise de l'Inserm qui déclencha la juste colère des pédopsychiatres. Privilégiant un modèle génétique, celle-ci préconisait de voir dans les énervements excessifs des bébés les signes avant-coureurs d'une délinquance sociale. Autant dire qu'on demandait à chaque parent de devenir le dépisteur de sa progéniture. Une pétition, "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans", lancée par Pierre Delion, recueillit 200 000 signatures.
Il y eut ensuite les propos pour le moins déplacés tenus par Nicolas Sarkozy sur le caractère génético-hormonal du suicide et des déviances sexuelles. Il y eut enfin, après mai 2007, la volonté du pouvoir d'Etat d'utiliser les tests ADN pour le contrôle des immigrés, au mépris des droits de l'homme. A quoi s'ajouta, cerise sur le gâteau, la proposition faite par la ministre de la justice d'envoyer aux assises les fous criminels pourtant incapables de comprendre la signification de leurs actes.
Si l'idéologie sécuritaire s'est déployée dans le cadre des ministères de la santé et de la justice, elle se propage aussi dans les rangs des fonctionnaires du ministère de l'éducation nationale.
Depuis quarante ans sont délivrés dans les départements de psychologie des formations cliniques qui se réclament de la psychanalyse et sont désormais menacées par des experts issus de la psychologie expérimentale ou cognitive. Une fois de plus, on demande à des spécialistes de donner un avis sur ce qu'ils ne connaissent pas : un boulanger juge un serrurier. D'où un conflit d'intérêts, puisque ces experts adhèrent à une conception de la subjectivité contraire à celle des cliniciens.
Face à cette avancée de la manie évaluationniste, les enseignants concernés lancèrent, en juin 2007, une pétition "Sauvons la clinique", qui recueillit plus de 10 000 signatures. Elle allait dans le même sens que les actions de Jacques-Alain Miller, organisateur de forums destinés à lutter contre les ravages de l'expertise. Fort de ce succès, Roland Gori, président de la seule association à réunir tous les enseignants de psychopathologie (SIUEERPP), demanda audience à Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et responsable des experts qui sont ses conseillers ou ceux du premier ministre : Jean-Marc Monteil, Roger Lécuyer et Michel Fayol. Or, contre toute attente, il fut éconduit.
Après de telles dérives, qui menacent aujourd'hui les ministres eux-mêmes, les autorités de l'Etat doivent se prononcer clairement sur cette question de civilisation. Va-t-on continuer à soumettre des chercheurs à des expertises inopérantes et à transformer les praticiens de la psyché en agents de la sécurité ? Va-t-on poursuivre une politique qui nous éloigne de la tradition humaniste de l'Europe ? Va-t-on éradiquer le freudisme des départements de psychologie dans un pays qui a pourtant vu naître quelques-uns de ses plus brillants interprètes reconnus dans le monde entier ? Le débat est ouvert.
Elisabeth Roudinesco est directrice de recherches au département d'histoire de l'université Paris-VII.

Article paru dans l'édition du 19.01.08

mercredi 16 janvier 2008

LABORATOIRE DU CIEN* NANCY-METZ : « Corps vivants parlent à d'autres corps vivants »

Le laboratoire accueille des professionnels de disciplines diverses (éducateurs, enseignants, psychologues, psychiatre, diététicienne, assistants d'éducation....) qui viennent interroger leurs façons de pratiquer alors que de nouvelles exigences transforment les pratiques d'enseignements, de soins, d'éducation.... Dans les corps vivants « ça rate, ça rit, ça souffre », « ça pulse », « ça fait symptôme » que l'on ne peut traiter seulement en enfermant entre des murs ou dans des classifications univoques. Chaque participant peut venir parler à d'autres de ce qui le soucie dans sa pratique quotidienne.

Le travail du laboratoire est orienté par le thème du Colloque national du CIEN : « Etrange, étranger, étrangeté » qui aura lieu à Saintes, le samedi 7 Juin 2008. Un des fils rouges est la lecture du texte de Freud sur « l'inquiétante étrangeté », sans perdre de vue la stigmatisation contemporaine de « l'inconnu douloureux » à travers de nouvelles cibles rendues inquiétantes : mineurs délinquants, délinquants sexuels, récidivistes, immigrés, jeunes en errance, enfants hyperactifs.....

Les réunions du laboratoire ont lieu les premiers mardi de chaque mois à la MJC de Lillebonne, 14 rue du Cheval Blanc, à 20 h 45.

Prochaines réunions : mardi 8 janvier, mardi 5 février, mardi 4 mars 2008


VENDREDI 15 FEVRIER 20 h 30 : SOIREE EXCEPTIONNELLE, INVITATION CONJOINTE ACF-CIEN-CEREDA

Nous accueillerons Philippe Lacadée, à la Librairie l'Autre-Rive, rue du Pont-Mouja à Nancy pour la présentation de son livre : L'éveil et l'exil, éditions Cécile Defaut, à 20 h 30

* Le CIEN (Centre Interdisciplinaire sur l'ENfant) est une association loi 1901 (participant au Champ freudien), elle rassemble une communauté de travail qui aborde les difficultés rencontrées par différents professionnels dans leur travail avec les enfants et les adolescents. Le dispositif du laboratoire ainsi que la pratique de la conversation (issus de l'orientation lacanienne) instaurent un lien de recherche entre les membres qui en favorisant la circulation des expériences, permet de les éclairer les unes par les autres.

Quelques notes prises lors du Cien du 8 janvier 2008

Roselyne G : « Action ! Action ! Une seule solution !… »
Françoise L : « Le monde change, nous aussi ! »
Yasmine Y aborde le sujet Sarkosy. Elle dit qu’avec lui, les mots sont vidés de leur sens. C’est un effet recherché des experts en communication qui sont autour de lui. L’effet recherché est purement politique et non sur le Réel. Quelqu’un parle de discours obscène ( définition dico : qui offense ouvertement la pudeur dans le domaine de la sexualité ) .
Sa vie privée est étalée ( ce que nous avons fait toute la soirée aussi…), dans une politique de soi-disant transparence. On assiste dans le même temps à une dénonciation de l’attitude d’autres hommes politiques qui ont gardé de grands secrets.
Patrice F parle de l’apparition du mot « concept » dans le discours de Sarko et du terme repris de Edgar Morin : « politique de civilisation ». Un des arguments d’ E. Morin était de dire qu’à vouloir la croissance à tout prix, on ne faisait que ressortir les effets néfastes du progrès.

Petit intermède de Roselyne Gavasso, à sa demande et à mon enthousiasme :
L’avaleur des liens.
De l’ère des objets que l’on jette,des objets remplacés qu’on ne répare plus,
Que l’on crée fragiles exprès pour qu’ils ne durent plus,
On passe à l’heure des humains que l’on jette,
Des hommes sans qualité,inutilisés,les étrangers,
Meme un père ou une mère---
Le deuil d’une mère est réduit à portion congrue,un an ,huit,neuf mois meme au plus( j’ai pu voir ça dans mon collège récemment pour deux adolescents),

Alors quels effets ça peut faire ?

Quelqu’un ajoute que Sarko s’inscrit dans une politique qui fait rupture car il reprend à son compte des termes qu’il sort de leur contexte d’origine, les dépouillant dès lors de leur consistance et de leur valeur ( le discours en devient creux et sans sens). Il utilise également des oxymores ( ex : rupture tranquille) , ce qui entraine des confusions de sens.

Question posée : pourquoi y a-t-il si peu d’analyse ?
Y a-t-il un effet de sidération ? Sidération par rapport à ce qu’il se permet de dire, sur ce qu’il s’autorise, ce qui entraîne peut être qu’on se centre sur sa personne, au lieu d’analyser l’usage qu’il fait de la langue. ( c’est renforcé cet effet de centration par le fait que les médias font étalage de sa vie privée )
Y a-t-il un effet de fascination ?
Une infantilisation ?
Nouvel interlude musicale de Roselyne Gavasso, à son inititative et à mon soutien :
Alors quels effets ça peut faire ?
Pour les enfants et pour les grands,
Lorsque c’est affiché, avalisé
A ce niveau là, et par les media ?
Qu’est-ce qu’un père, qu’est-ce qu’une mère ?
Quel lien unit ces deux-là ?
Quelle est la place, la valeur de l’enfant là, quel est son choix ?

Le Symbolique qui se vide, se réduit à peau de chagrin,
La jouissance qui le remplace, l’absence qui se réduit,
Le temps du deuil qui se rétrécit,
Le temps du manque et de la trace
Et de la place pour l’enfant fruit d’un lien—ce lien-là
Mais où est-il cet Enfant-là ?

Marie-odile nous parle de Milner, qui a écrit la Politique des choses ; elle dit son insupportable que dans cette façon de gouverner, on judiciarise tous les gens qui ne sont pas « normaux », cad nous les gens qui passont par des moments de dépression ( là c’est moi qui rajoute ça)… et j’en profite pour vous rapportez ce passage issu de Nouvel âne du 7 octobre 2008, de Catherine Lazarus-Matete, passage qui m’a beaucoup plus :
« (…) le soi-disant sujet universel de la dépression n’existe pas, ce n’est qu’une catégorie attrape-tout. On y trouvera pêle-mêle : Le mélancolique et sa faute morale ; la femme battue ; le pédophile honteux ; l’adolescente suicidaire quand on boit à la maison ; l’enfant qui ne va plus en classe ; celui qui est sombre, dont la mère s’enferme ; l’homosexuelle qui veut un enfant ; le jaloux délirant ; celui qui va sans cesse trop bien ; celui pour qui il n’a plus de sens ; la jeune fille qui se scarifie pour sentir la vie en elle ; celui qui se tatoue pour border son corps ; celui qui est toujours la tête à claques ; celui qui refuse la couleur de sa peau ; celui qui est assailli par des voix ; l’enfants qui fait des cauchemars ; celui qui fait au lit, qui a perdu le sommeil, qui s’agite tout le temps ; celle qui va mal dès qu’il fait beau ; celui qui a peur de la vie ; l’enfant qui ne veut pas grandir ; l’adulte qui vérifie tout ; celle qui a des tics ; celui qui bégaie ; celle qui a le trac ; celui qui a des tocs ; celui qui a peur des femmes ; celle qui se méfie ; celle qui pleure son enfant ; le timide maladif ; celui qu’on n’a pas désiré ; celui qu’on ne reconnaît jamais ; la transparente, l’insatisfaite, l’incomprise ; celui à qui on n’a rien transmis ; celle qui est soumise ; celui qui fauche dans les magasins ; l’anaroxique prise dans le ravage maternel ; celui qui végète ; celui qui a un nez trop long, un sexe trop petit ; celle qui a des seins trop menus ; celle qui les as trop gros ; celui qui ne peut dire non ; celle qui n’ose pas dire oui ; celle qui se fait opérer à tour de bras ; celui qui court après la lune ; celui qui a le sida ; la rêveuse à qui rien n’arrive ; la jeune fille trop sage ; la jeune accouchée dont le baby blues insiste ; celui qui frappe son enfant ; celui qui insulte le monde entier ; l’agressif, le colèrique, le retenu, l’abandonné, la femme laisser-tomber, l’artiste en mal d’inspiration ; l’employé humilié ; celle qu’on licencie régulièrement ; le solitaire interprétatif ; le sujet nostalgique du pays de son père ; le chef d’entreprise qui pleure en cachette ; l’adolescente mystique ; l’extravertie qui se met en danger ; celui qui doute ; celle qui souffre pour les autres ; celle qui soigne pour ne pas tuer ; celui qui ne fait rien de ses talents ; celui dont on se moque ; celle qui se sent toujours regardée ; la jeune fille qui vomit ; le jeune homme qui aime les garçons ; celui qui remet tout à plus tard ; l’impulsive ; le toxicomane qui lutte contre l’angoisse ou les hallucinations ou une maladie organique ; la femme qui observe le spectacle de la vie ; celui qui…, celle qui… (…)»
Roselyne fait un lien avec ce qui se passe dans la cours de récré : face à quelqu’un qui « tchatche », qui sait user de la langue et qui envoie les autres en touche sans même écouter ce qu’is disent, en jouant sur sa maîtrise du jeu verbal, les élèves en manque de mots pour répondre, en mal d’espace pour dire de façon maladroite ou trébuchante, ils frappent. Ils usent des passages à l’acte car ils se sentent démunis, n’ont pas de prise par la langue sur ce type de discours.
Quand la langue devient un mur totalisant, la pulsion ne peut en effet pas s’accrocher à la langue, sortent alors souvent des insultes, des coups,…
Alors, comment faire des petits trous par la langue pour que ça respire un peu ?

Tentative (ratée) de Françoise de sortir de notre marasme en parlant du texte de Lacadée. Il pose la question de l’inexorable du signifiant. Comment faire pour se soustraire à l’effet mortifiant des signifiants, de ces identités qui nous collent à la peau ?

Puis nous débattons à propos du cynisme ( dico : Mépris des conventions sociales, de l'opinion publique, des idées reçues, généralement fondé sur le refus de l'hypocrisie et/ou sur le désabusement, souvent avec une intention de provocation.)
Une définition est donnée : le cynisme : dire la vérité sachant que l’autre n’y croira pas.
Le cynisme consiste à frapper l’Idéal du nullité, mais pas la jouissance, qui est alors la loi commune à tous

Quelques dates : 5 février prochain, réunion du Cien à 20h30.
Vendredi 15 février, à 20h30 à l’Autre Rive , présentation de Philippe Lacadée de son nouveau livre.

jeudi 3 janvier 2008

COMPTE RENDU DE LA RENCONTRE DU CIEN LE 04/12/07

- Rappel de Marie Odile du festival de théâtre : « La tête ailleurs ».
La compagnie bretonne « L’oiseau mouche » y a présenté « Le Roi Lear » de Shakespear. La particularité de cette troupe est que ses artistes vivent en Centre d’Aide par le Travail (CAT) ou en Centre d’hébergement et que leur activité professionnelle est le théâtre.
Une rencontre et une conversation avec les acteurs ont suivi la pièce. Hélène met en avant la différence existante entre les comédiens sur scène et ces mêmes personnes, une fois qu’elles sont en présence de quelques uns sans un texte pour se soutenir et pour se soutenir .
Une autre pièce jouée par une autre troupe: « Le Cid ». Le public de lycéens a fait étrangeté pour Marie Odile de par leur présence au texte classique. Intéressés, ils sont restés à l’écoute silencieusement pendant 2h15, et ont beaucoup applaudi

- Forum :

Jacques Alain Miller annonce un grand meeting à la Mutualité « pour la défense et la promotion de la psychanalyse partout où elle est mise en cause », en particulier à l’Université, les 9 et 10 février 2008.

Il annonce également qu’ un colloque pluridisciplinaire aura lieu les 1 et 2 février, au CNRS, sur le thème « Déprime Dépression ». Il bénéficiera du haut patronage du Ministère de la Santé et sera inauguré par Madame Roselyne Bachelot.

- Une conversation prend forme.
Roselyne revient sur le « texte » et sur les effets que ça fait sur les effets que ça a ou que ça n’a plus quand ça se déplace dans un débat. Les effets produits par la mise en langue rimée, la langue bien tournée. Effet de scansion, la mise en rime fait tomber quelque chose. Vincent fera valoir que c’est peut être la mesure qui compte

- Stéphane propose de parler de la langue des insultes.
Il s’interroge sur l’étrangeté vécue lors de la rencontre au cours d’une activité d’équitation entre les adolescents de l’ITEP avec lesquels il travaille, la propriétaire du centre équestre et lui. Les ados lançaient des insultes, entre eux et à celles et ceux qui (ne) voulaient (pas) les entendre. La gérante trouvant cette façon de parler insoutenable a notifié à Stéphane qu’elle ne pourrait plus les accueillir, des clients s’étant plaints de ces comportements déplacés.
Quoi dire, en qualité d’accompagnateur, représenté comme adulte et responsable de ses enfants ?
Faut il se faire le traducteur de quelque chose ? Comment ? De quoi ? Pourquoi ?
Qu’en dire lorsque ça s’impose à des étrangers à cette langue ?
Stéphane y entend une jubilation à manier des mots et à lâcher des mots qui vont choquer l’autre, qui n’est pas dans sa langue.
D’autres réflexions s’en mêlent. La proposition d’une lecture sociologique ouvre la question à la lutte des classes. D’autres se demandent comment
chacun y fait avec la violence ou comment faire face à la difficulté de se confronter aux insultes des adolescents comme à celle soutenir le regard de ceux pour qui ça fait étrangeté. On y lit parfois, quelque chose comme « ils ne savent pas les tenir » qui renvoie à « on ne peut pas les tenir ».
Patrice Fabrizi revient sur l’idée que l’étrangeté émane de l’angoisse de ne pas savoir si cet enfant ou cet adolescent est une exception (on excuse plus facilement un autiste, on accepte son anormalité) ou s’il représente une classe. S’il appartient à un groupe « comme ça », c’est la peur du danger qui naît. Ceci d’autant que quand ça ne se voit pas, c’est plus compliqué. Chacun est plus démuni face à l’inquiétante étrangeté ; cela amène à une réponse particulière.
Hélène évoque une petite fille qui se plante devant une personne : pourquoi t’es noire, la dame lui expliqua qu’elle venait d’Afrique, au retour à l’institution la petite regarda la mappemonde.
Le pourquoi t’es moche une autre fois laissa sans voix.
Un petit garçon se précipita sur une dame et la frappa … colère, devant le regard d’Hélène, elle demanda s’il avait quelque chose … alors dans ce cas, on excuserait … ?


- Françoise propose d’écrire à partir de cette étrangeté après laquelle on est, parfois, on reste sans voix. Après ces moments de « grande solitude » comme le dira Yasmine.

- Un débat autour de ce que peut représenter l’insulte pour chacun clôture cette soirée. Les réflexions et les questions laissent libres les conversations, les méditations et les écritures à venir, à l’instar de celles-ci : l’injure
· est un retour face au réel aseptisé,
· une trouvaille de la langue pour interpeller,
· on constate une intolérance face à elle, et parallèlement l’obscénité des impératifs contre la pulsion,
· comment en faire quelque chose plutôt que d’en être choqué socialement (un dictionnaire, un abécédaire, un annuaire, un bestiaire, un dromadaire bref y’ a de quoi faire !!! ).

Finalement, l’étranger est aussi, celui qui s’est habitué aux codes de la bonne tenue.
Signalons la venue de Noëlle De Smet jeudi 13 décembre à 18h à la MJC Lillebonne.
Le 08/12/07
Estelle Gehle