mardi 22 mai 2007

Psychanalystes en prise directe sur le social le 5 mai à l’Hôtel des Prélats à Nancy

Marie-Odile Caurel
Avec dans un premier temps les interventions de Françoise Labridy, Jean-Marie Adam et Alix Meyer, Micky Boccara-Scmelzer, Philippe Cullard, puis dans un second temps celles de Stéphane Germain, Estelle Gehle, Yasmine Yayaoui.
Luc Müller et Danièle Schlumberger animent cet après midi
Serge Cottet, membre de la commission scientifique de Pipol 3 fait ponctuation des inventions et de leurs effets dans la prise en compte de l’inconscient dans le malaise actuel.

Françoise nous parle du Cien Nancy, lieu d’énonciation, institution pauvre à refonder sans cesse au service de la re-découverte de la saveur du goût du dire, offre d’une possibilité de se constituer comme sujets en trouvant les mots pour dire les impasses et les inventions de chacun dans sa pratique, conversation à plusieurs pour border le réel des rencontres qui nous dé-bordent.
Serge Cottet souligne l’inflation actuelle du syntagme à plusieurs, marquant l’enjeu des lieux d’énonciation et de leur nécessaire multiplication. Créer des lieux ou dans les lieux existants créer des dispositifs d’écoute et d’aide là où il n’y en avait pas ?
La conversation s’engage ici. Un pas de plus, non seulement écouter la plainte mais provoquer une énonciation nouvelle. Lieux d’énonciation pour professionnels angoissés, possibilité pour eux de s’entendre dire, traitement de l’angoisse, sensibilisation à la dimension de l’inconscient. Effets tranquillisants alors ? plutôt effets d’après coup , la parole pas faite pour solutionner produit cependant de l’élaboration, la dit-mention clinique se dégage.
Ces lieux offrent une adresse pour la parole de chacun, la parole adressée vous revient et vous divise, l’écriture constitue un effet de savoir d’après coup. Ils peuvent être un lieu commun de résistance à la norme et à la standardisation et permettre le desserrage des symptômes sociétaux, masques et écrans des symptômes personnels. La généralisation actuelle du mot symptôme fait disparaître l’usage qu’en donnait Lacan : un message, une énigme et une définition de jouissance. L’enjeu du Cien est donc d’être un lieu d’énonciation et un lieu de déchiffrage.

Alix nous parle d’un dispositif « groupe expert » au service de l’insertion de personnes handicapées par la maladie psychique. Ils sont bénéficiaires au titre du droit commun d’un certain nombre de prestations financées par le conseil général. Jouer la carte des signifiants maîtres, des titres des métiers pour créer une cellule d’appui. Pas de prise en charge partagée, les formateurs rencontrent les bénéficiaires, les « experts »( analyste, psychologue, psychiatre) rencontrent les formateurs qui leur parlent de ce qui les arrête dans le « suivi » d’un dans sa recherche d’emploi.. Chacun des intervenants est maintenu dans une ignorance nécessaire, dissymétrie de savoir. La cellule se présente comme un Autre qui vient trouer l’expertise, chacun est décomplété, deux manques s’additionnent. Alors ici pas de mise en rivalité des discours, pas de transparence, mais une offre qui vient trouer les préjugés, et ouvre aux positions subjectives.
Une réponse politique dans un cadre présentant les garanties attendues par le maître moderne, et par le payeur. Et une mise en évidence que la valeur travail exige un lien social, une symbolisation pour que des sujets s’y logent.

Micky nous expose une matinée ordinaire à Saint Dié. L’espace c’est un bureau dans une mairie, le titre un marché à procédures adaptées, le payeur le conseil général, les bénéficiaires des personnes au RMI, et une analyste qui s’offre comme adresse à ceux qui sont adressés en général par les services sociaux.
Laurence, Martial, Isabelle, Jean, Antonio, des prénoms, des problème de santé, des difficultés graves dans le lien social mais surtout des sujets aux prises dans leur vie de tous les jours avec des symptômes ravageants….quelque chose s’ouvre, des rendez vous réguliers, une durée, et parfois des rectifications subjectives. Une niche dira Micky puisqu’un travail de supervision est aussi possible avec les équipes de TS. Une demande-commande du conseil général qui donne du temps à ce qu’une demande subjective puisse enfin s’adresser à quelqu’une.

Philippe nous parle de Florence, une petite fille de 14 ans, l’une des plus difficiles ( mais en ITEP ce titre est convoité), électron libre, trempée d’angoisse, d’un évènement qu’elle crée et des interventions des professionnels présents qui précipitent son déchaînement. Pour penser la clinique un dispositif, une réunion des éducateurs avec psychiatre et psychologue, lieu de dépôt par chaque un des impossibles du travail éducatif avec l’enfant…espace d’élaboration, de diagnostic et de stratégies pour orienter les tactiques singulières dans l’après coup. La boussole de ce dispositif c’est la jouissance pour le cas. Là où les instit et éduc concernés voient une provocation de Florence, la psy entend une convocation , c'est-à-dire un rappel à leur travail où leur vigilance est mise en veilleuse. Florence demande une présence réelle et non pas symbolique, prompte à se manifester par le regard et la voix. Il s’agit de se mettre entre ce qui apparaît jouissance et le sujet. Le mot d’ordre actuel du retour nécessaire à l’éducation fait entendre sa bêtise, les enfants ne sont pas seulement agités, leur appel à l’acte est signifiant. Il s’agit de s’adapter au cas et pas de tenter de les adapter à la norme, s’entend la nécessité du repérage clinique Pas de réponse tout faite mais un travail dans la durée ponctué de temps d’élaboration avec des effets de formation pour les professionnels.

Stéphane nous transmet ce qu’en prison les rencontres avec Alexis, le chercheur convoque pour lui comme clinique du sujet. Alexis crie, vient dans l’urgence, il veut qu’on fasse cesser les sifflements dans les oreilles qui le vrillent, je deviens fou. Il se coupe. Le sang coule.
Stéphane lui tend un mouchoir en papier, Alexis s’effondre, pleure, parle.
Dans l’après coup Stéphane élabore ce qui l’a orienté. Le sens est mauvais allié. Le réel d’un corps s’impose à Alexis et à son interlocuteur, son geste est entendu habituellement comme une provocation, une de plus.
A qui s’adresse Alexis ? il agit sous la contrainte quand il dit ne pas pouvoir s’empêcher, alors faire de la coupure une adresse ? Appel à un regardant pour tailler dans la chair ?
Pour Stéphane une certitude ne pas reculer devant l’urgence, se constituer à ce moment là seulement comme adresse. Position stoïque et angoissée ? Pari….S’agirait-il là aussi d’une convocation à un Autre barré ?

Estelle rendra compte de deux temps au CAO ( avec ou sans h centre (d’hébergement) d’accueil et d’orientation. Un moment de stupeur en découvrant un jour une porte blindée là où pourtant on est invité à entrer. Le malaise des mères en difficultés sociales avec enfants peut-il passer la porte ?Qui sont ceux qui sont dedans ? Alors un déplacement pour ré’ouvrir le titre du lieu…accueil…orientation…comment penser des passages pour éviter la chaos ou l’exclusion pour chacun? Des rencontres, professionnels et mères avec enfants où peuvent s’entendre des questions actuelles (des usagés !!!….) au cœur de la transmission, la filiation et la séparation. Groupe de paroles qui prendra le titre « confidences pour confidences »….
Dans la conversation qui suivra ici, Estelle en les nommant femmes celles qu’elle rencontre là fera entendre la bascule possible de l’aliénation à la séparation. « Nous nous dé-couvrons alors que nous nous côtoyons dans le quotidien »

Yasmine nous adresse les effets pour elle de l’analyse dans sa fonction sociale de professeur d’EPS (éducation physique et sportive), façon de faire exister la psychanalyse en extension. Elle décline avec beaucoup d’humour les signifiants maîtres de la discipline avec laquelle les maîtres devraient produire des élèves physiquement éduqués….l’enjeu sanitaire de l’EPS résonne avec les injonctions de bonne santé contemporaine….mais dans les corps surtout à l’adolescence ça ne colle pas, ça turbule, s’agite, se fait mal….alors…une urgence se décoller de l’intentionnalité, offrir un espace vide ( mais rassurez vous le cours de gym a lieu) de toute attente, répondre à côté du refus, de la provocation, accuser réception aux sujets qui se cherchent pour choper au vol le particulier. Avoir appris que le manuel ne peut pas répondre à l’appel de chacun et dans l’échange faire trouvaille de la langue pour qu’en résonne l’équivoque.

Au début de cette rencontre Françoise dans son intervention faisait entendre que « les mots, actions supposées anormales, bizarres farfelues des jeunes sont des symptômes-invention et non pas une pathologie ou un trouble, provoqués par ce qui travaille en eux, des symptômes-nécessité pour se créer un lieu où la parole soit possible, à partir de tous les éléments pulsatiles qui débordent les possibilités d’une langue déjà là ».
Dans cet après midi de conversation ce sont les dispositifs-invention qui sont venus sur la scène contemporaine portés par ceux qui orientés par le réel, ne « reculent pas devant les jouissances du temps » et savent que « là où le Savoir imposé défaille », le transfert et l’énonciation qu’il ouvre peuvent opérer, dispositifs-précaires-sur mesure pour habiter le présent et le rendre habitables à quelques autres.
Merci à tous ceux qui nous ont enseigné de leur désir décidé.
13 mai 2007

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