mercredi 21 mars 2007

Rencontre avec Noëlle De Smet

Yasmine Yahyaoui

Le vendredi 9 mars, à 20h30, devant une centaine de personnes, Noëlle De Smet a pris la parole dans l’amphithéâtre du lycée professionnel Paul Louis Cyfflé à Nancy. A cette occasion elle a puisé dans son expérience d’enseignante, un travail particulier réalisé avec un groupe de jeunes filles, pour nous le faire partager.
Les jeunes filles de cette classe débordaient d’une revendication forte et très clairement énoncée : « on en a marre des insultes, surtout de la part des professeurs ! » Cela aurait bien pu devenir un point d’arrêt, fixant un front de guerre, opposant dans des positions retranchées les enseignants d’un côté, les jeunes de l’autre.
Noëlle De Smet, elle, fait de la revendication, un point de départ.
Mais comment diable s’y prend-on pour faire de l’insulte, un travail qui ait sa place à l’école, une élaboration de longue haleine qui extraira d’autres enjeux que la revendication première, et qui devra être entendue par toute la communauté de l’école ? C’est bien là que réside le savoir-y-faire si précieux et si étonnant de Noëlle De Smet. Elle ne recule pas devant ce que les jeunes filles de ce quartier dit populaire lui adressent, quelles que soient leurs manières ; Elle en prend acte et s’en saisit. Partir coûte que coûte de ce qui les accapare, les bouleverse, les scotche ensemble, pour le déplacer ailleurs. En ne lâchant pas les points d’appui de la langue (délibérative, écrite, adressée, enregistrée…), Noëlle se fait passeuse. Grâce au travail réalisé, les jeunes filles passent de l’émoi d’injustice et d’humiliation, aux mots qui restaurent « consciences fières », visée ô combien déterminante dans le parcours de Noëlle De Smet.
Non, il ne s’agit pas d’un savoir-faire écrasant d’efficacité qu’il faudrait prendre pour exemple. N’a-t-elle pas évoqué ces soirées à douter, à se demander comment elle allait faire pour continuer ? Pourtant ça continue, et ça dépasse même le temps scolaire, avec les lettres d’anciennes élèves qui lui font signe des effets qu’elle a suscités.
Finalement, dans sa façon d’être enseignante, Noëlle ouvre des voies en tête, avec en tête l’opiniâtreté de son désir, sur lequel elle ne veut décidemment pas céder. C’est cela qui est dévoilé, derrière le pragmatisme de ses témoignages. Et c’est ce pont rendu visible qui éclaire, inspire, soutient celles et ceux qui tentent, là où ils se trouvent, avec la matière qui est la leur, de creuser leur propre sillon.

le 18 mars 2007

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