vendredi 9 février 2007

Le petit prince m'a dit

Bonsoir à toutes et à tous ;
Voici un petit essai d’écriture que je vous adresse.
Il s’agit de la suite de la porte blindée invitée à (faire) parler.

En passant par la planète des étoiles qui savent rire, j’ai rencontré le Petit Prince et j’ai entendu:
« - Que faut il faire ? dit le Petit Prince,
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près … ».

Je travaille, en qualité d’éducatrice dans un Centre d’Accueil et d’Orientation à Nancy.

Le temps de l’accueil peut permettre à la singularité d’exister.
Des yeux peuvent accueillir un regard.
Une parole peut être dite, chuchotée, pleurée.
Des mots peuvent être étouffés, blessés, agressés, écoutés.

Pourtant, le Discours Institutionnel rôde, il n’est jamais loin. Il est en nous si l’on ne s’en différencie. Il devient nous, si l’on n’y prend pas garde. Nous nous confondons en porte parole du discours institutionnel et nous risquons de nous y enfermer, un jour … peut être … peut être pas, nous avons le choix.

Chaque accueil peut être le même que le suivant. Chaque rencontre peut être la même qu’avec la suivante. Chaque discours peut ressembler au suivant. Chaque suivant peut être le même que le suivant. Au suivant …

Puis, il y a « l’orientation ». A dire vrai, ce terme me pose question.
L’orientation est avant tout institutionnelle. Elle n’est pas proposée. Elle est imposée :
« Les temps sont durs, vous comprenez. On ne peut pas vous laisser le choix (de là où vous aller habiter, de là où vous allez vivre) »
« Soit vous acceptez ce que l’on vous propose en terme d’orientation, soit vous refusez et ce peut être un motif de fin de « prise en charge ».

Alors, pour ne pas me laisser enfermer, moi aussi, dans un non choix, je prends de préférence « l’orientation lacanienne ».

Il y a peu de temps, j’évoquais le changement de porte du Centre d’Accueil et d’Orientation. Les initiales s’écrivent C.A.O. Fut un temps, il s’appelait le C.H.A.O (ajoutez hébergement pour la lettre H).
Roselyne, lors de notre dernière rencontre avec le CIEN a parlé de chaos. Une question avait émergée : « Comment retrouver et laisser la place au vivant, sans en passer par le chaos ?» S’en passer … s’en servir ? Aussi … ?

C’est une question que je me suis posée.
Et de là, une idée a germée. « Faire parler la porte blindée ».
Ecouter ce qui se dit de chaque côté, à partir de la place, de l’histoire et de la parole de chacun qui le veut bien.
Un mouvement est lancé.
A ma grande surprise, la moitié de l’équipe participe à l’écriture de ce projet.
Nous construisons ensemble un lieu de parole … HORS LES MURS institutionnalisés.
Les rencontres pour l’élaboration du groupe sont régulières. Les thèmes à discuter sont proposés par les familles.
L’équipe, change ; elle se trans-forme. Un souffle anime autrement la vie dans l’institution. D’autres rencontres ont lieu. Nous nous découvrons alors même que nous nous cotoyions au quotidien. La légèreté, le plaisir, les inventions et l’humour s’invitent à chaque réunion de préparation.
Le plaisir et le désir sont là.

Les familles accueillent elles aussi cette nouveauté, cette prise en compte de ce qu’elles vivent et de ce dont elles ont envie de parler.
Parler autrement et d’autre chose que de ce que les travailleurs sociaux leur demandent.
Répondre autrement aux questions toutes faites qui n’attendent que des réponses « dans les clous normatifs ».
Les envies de connaissances, d’apprentissages, d’échanges, de témoignages sont du côté du :
« Comment faire avec mon enfant qui n’écoute pas ?
« Comment me faire respecter par mes enfants ?
« Comment parler de la drogue à un enfant ?
Comment parler de la violence que j’ai subi à mes enfants pour pas qu’ils vivent la même chose que moi ? ».
… Comment parler ? …

Nous ne savons pas. Nous proposons une réunion ce samedi pour choisir ensemble le thème parmi les thèmes dont nous discuterons.
Les membres de l’équipe se réunissent mercredi pour préparer le groupe de parole qui verra le jour le 30 janvier de cette nouvelle année.

Ce jour là, nous sommes tous invités à inventer un nom pour ce groupe.

Le 19 janvier 2007.
Estelle

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